FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
IBRAHIMA KA
L3 DROIT
Exposé : mondialisation mythe ou réalité
De manière complètement générique, le terme mondialisation désigne un processus historique par lequel des individus, des activités humaines et des structures politiques voient leur dépendance mutuelle et leurs échanges matériels autant qu'immatériels s'accroître sur des distances significatives à l'échelle de la planète. Elle consiste en l'interdépendance croissante des économies et contribue à l'expansion des échanges et des interactions humaines.
Le XIXe siècle marque véritablement l'essor de la révolution industrielle correspondant à la période appelée contemporaine par les historiens. Le ressort essentiel du processus est alors l'abaissement des coûts de transport, avec la généralisation de la machine à vapeur et celui des coûts de communication avec le télégraphe. Ces deux éléments permettent la mise en communication des différentes parties du globe et d'importants transferts d'hommes, de biens et de savoirs en fonction des inégalités de peuplement, de richesse et de pouvoir.
Le XIXe siècle (entendu au sens des historiens, il commence avec la Révolution française et finit avec la Première Guerre mondiale) voit ainsi se dérouler des flux de population à l'échelle planétaire. Alors qu'en Europe, la Révolution agricole éloigne les paysans de leur campagne et que les villes absorbent avec difficulté la hausse soudaine de la population du vieux continent (elle quadruple entre 1750 et 1900), les occidentaux migrent massivement à travers le monde (Amériques, Australie, Algérie…). Ces flux de population modifient en profondeur la répartition de la main d'œuvre au niveau mondial.
Au niveau économique, l'industrialisation rend possible le développement d'échanges de produits manufacturés entre pays industrialisés et en cours d'industrialisation, tandis que la colonisation entraîne des flux de matières premières depuis les colonies vers l'Europe. L'impact économique de ces échanges est cependant faible au regard de celui induit par les migrations mondiales.
La colonisation a également pour effet d'intégrer l'essentiel de la planète dans un espace politique commun, et de favoriser des transferts financiers entre pays ainsi que vers les colonies.
Dans le domaine culturel, la multiplication des récits de voyage ou des modes comme le japonisme montrent la montée en puissance dans l'imaginaire européen d'autres cultures, elles-mêmes souvent mises à mal par la colonisation. À cette époque cependant, le mondialisme trouve sa première expression d'ampleur sur le socle du marxisme avec la fondation des Internationales.
Le mondialisme est une idéologie. Celle-ci affirme le caractère inéluctable de la mondialisation et son incompatibilité avec la structure de l'État-nation, son caractère inhérent à vouloir apporter la paix définitive par l'instauration d'un gouvernement mondial passant par un humanisme. Le mondialisme en tant que tel ne constitue cependant pas une idéologie constituée. On le retrouve au sein d'idéologies plus vastes, allant du néolibéral à l'internationalisme d'extrême-gauche.
Malgré tous ces éléments certains pensent que l’idée de mondialisation n’est en réalité qu’un mythe et derrière cette idée mondialisation il y’aurait un travail d’inculcation de la part de certaines autorités en vue de valider une certaine conception libérale du monde.
Ainsi pour cerner cette question il serait opportun de voir dans un premier temps le phénomène de la mondialisation (I) avant de s’intéresser à la part de mystification qui entoure cette question (II).
I) Le phénomène de la mondialisation
A- Les différentes conceptions de la mondialisation
La mondialisation a deux figures .Il s’agit de deux approches extrêmement opposées :une approche unitaire et une approche pluraliste conflictuelle du phénomène.
Dans l’approche unitaire, la mondialisation évoque la notion d’un monde uni, en genre d’un village planétaire, d’un tout faisant un ensemble ; ceci dans une approche géographique et idéologique. C’est ainsi que l’on parle de l’interpénétration des cultures, des économies et des technologies. On ne s’empêche plus de parler d’une culture mondiale ou mieux une civilisation mondiale, d’un gouvernement mondial émergeant, d’une économie mondiale, et voire d’un citoyen mondial. Une telle approche devrait se référer essentiellement à la dimension géographique.
Avec la mondialisation, le monde est devenu un. Toutefois, elle ne reste pas moins normalisée. Ce grand dessin d’un monde un est effectivement vrai, si on se réfère au sacro-saint progrès de la technologie qui renforce, de plus en plus, l’intégration physique, à l’internationalisation et l’expansion des mouvements financiers, à la victoire du capitalisme, aujourd’hui seul système économique au monde et centre de l’économie mondiale, sur son ennemi, le communisme ; et enfin aux organisations transnationales (internationales) qui viennent compléter ce tableau, comme le dernier puzzle. La mondialisation est présentée comme le phénomène bourré de complexité, difficile à appréhender et à manier. Elle devrait signifier éclatement des particularismes régionaux, l’ouverture des frontières, un changement énorme dans les relations interétatiques, et est traduit par l’expression « village planétaire », l’universalisation de certaines pratiques. Par ailleurs, ça laisse à penser à l’uniformisation ou homogénéisation culturelle,...et peut-être plus significatif encore, la restructuration mondiale dans la structuration des relations capitalistes d’après la guerre froide. La globalisation, dans certaines littératures, se traduit par « rendre mondial », « homogénéisation », « être présent partout dans le monde » sur la « scène mondiale », ou dans « l’arène mondiale ». Dans cette conception unitaire, il est question de visibilité, de la proximité, de la disponibilité par l’intermédiaire du commerce, de la communication de masse ou de la technologie de l’information qui se rend de plus en plus disponible pour tout le monde.
La deuxième approche trahit la première, car elle la contredit. Dans l’approche pluraliste et conflictuelle, la théorie du « choc des civilisations », qui succéderait aux affrontements idéologiques, l’une des visions des relations humaines réduites aux rapports de force sur le plan culturel (mais le rapport de force est aussi sur le plan tant économique que politique), trouve sa place. L’hymne national ici correspond aux notions d’hétérogénéité, d’incompatibilité, d’ordre et de construction. L’organisation ou la réorganisation est l’élément sous-entendu, et l’existence d’une fracture causée par les lois sauvages du marché capitaliste intégré. Dans cette vision, on traite les éléments de domination, de création et de dissolution d’un ordre, et d’une manière plus élargie des questions telles que : la fragmentation et l’intégration, l’inégalité, l’asymétrie, la solidarité, l’exclusion, l’insécurité, le regroupement régional par intérêt, etc. Cette vision pluraliste et conflictuelle est définie dans nombreuses de définition comme l’accentuation sur la notion d’ordre planétaire, l’avenir de la construction capitaliste, des monopoles, de délocalisation des marchés, de la main d’œuvre, de la privatisation, et autres, de l’émergence d’un chaos mondial rapport à la réglementation et d’une éventuelle anomie, etc. Cette approche permet d’appréhender et de voir un peu plus clair cette globalisation dans toute sa compréhension et ses multiples aspects ce qui revient à dire ensemble d’éléments manifestés qui la compose.
B- Les aspects de la mondialisation
La mondialisation, accordant dans son mode de régulation un primat à l'international sur le national, peut être lue comme une accélération d'un phénomène mondial d'intégration économique commencé dès le XVIe siècle, processus inégal sur le plan géographique et progressif à l'échelle temporelle. Elle crée de nouveau défis d'organisation institutionnelle et de répartition des pouvoirs politiques à l'échelle du monde. Les outils traditionnels de la politique publique, fiscalité et réglementation, perdent de leur efficacité dans un environnement mondialisé. Leur application demande alors la coopération de plusieurs États, toujours délicate à obtenir et à maintenir. La mondialisation génère des agents économiques, des moyens d'information et des flux financiers dont l'ampleur échappe au contrôle de la structure des États-nations. De ce fait, la plupart des gouvernements déplorent leur impuissance face à ces phénomènes tant que les relations internationales ne sont pas réglées par d'autres règles que l'intérêt des États.
On peut résumer ainsi l’arsenal idéologique des théoriciens de la mondialisation. : L’État-nation est dépassé, la souveraineté est désuète à l’ère de l’interdépendance. Les ONG et les firmes multinationales seraient les nouveaux régulateurs à l’échelle mondiale. Cette nouvelle idéologie dominante proclame le déclin de la souveraineté nationale et tente de dévaloriser le rôle du politique et de l’État. Depuis une quinzaine d’années, le discours néolibéral de même que celui d’une certaine gauche dite post moderniste véhiculent l’idée selon laquelle les États perdent leur souveraineté au profit des entreprises multinationales et des organisations transnationales. Dès lors, les citoyens sont incités à penser qu’il est inutile d’agir politiquement et de revendiquer la souveraineté politique pour orienter le développement de leur société puisque selon les nouveaux prêtres de la mondialisation, les États sont impuissants, devant les forces économiques mondiales. Cette idéologie a influencé les Québécois puisqu’un sondage réalisé par Léger-Marketing pour le compte du Ministère des relations internationales en 2002 indiquait que 60% des Québécois croyaient qu’il était préférable de rester une province pour faire face à la mondialisation.
II- La mystification du phénomène de la mondialisation
A- Le mythe du dépérissement de l’Etat-nation
Le phénomène de l’interdépendance des États n’est pas nouveau et que de tout temps le pouvoir des États a été concurrencé par des forces exogènes. Les États n'ont jamais eu le pouvoir absolu qu'on leur attribue, ils ont toujours dû composer avec des forces externes comme le droit international ou encore les normes des Églises avant l'ère moderne. Au XXe siècle, les politiques publiques des pays développés n’ont jamais été adoptées en vase clos et les sociétés se sont influencées mutuellement. On ne peut donc affirmer que les États perdent un pouvoir qu'ils n'ont jamais eu ou alors s'ils déclinent c'est en fonction de l'image mythique qu'on s'en fait.
Samy Cohen, dans un livre récent intitulé : «La résistance des États: les démocraties face aux défis de la mondialisation» (Édition du Seuil, 2003) critique le discours sur la mondialisation qui tente de faire croire que nous sommes entrés dans un univers sans frontières, caractérisé par la mort de l'État-nation et la fin des souverainetés résultant de la montée des forces transnationales. L'approche transnationale est à son avis réductrice car elle ignore la complexité des processus. Il y a certes plus d'acteurs transnationaux, mais ceci ne signifie pas automatiquement impuissance de l'État. Il montre que ces discours sont des idéologies qui ne correspondent pas à la réalité.
Il soutient qu'il n'y a pas retrait de l'État et que sur les enjeux stratégiques les États conservent leur pouvoir de décision: «Sur toutes les questions relatives au noyau dur de la souveraineté nationale: la sécurité, le modèle de développement économique, les intérêts stratégiques, les États continuent à se comporter de manière classique, calculant avantages et inconvénients. » (P.165) S'il y a des transferts de souveraineté dans certains secteurs, c'est pour mieux renforcer cette souveraineté dans d'autres secteurs. L'État sort gagnant de ces échanges et il est même renforcé par le développement des nouveaux acteurs transnationaux, comme les firmes multinationales, les ONG et les mouvements terroristes.
B- Les limites de la globalisation de l’économie mondiale
Contrairement aux idées reçues, l’Etat ne dispose pas de moins de moyens d’action économique et sociale que par le passé. Ces moyens sont cependant différents et font plus de place aux politiques structurelles qu’à l’action conjoncturelle.
L’Etat peut agir dans trois directions :
Il contribue à offrir aux entreprises un environnement favorable à leur développement. Cela concerne en particulier l’attractivité des territoires pour l’implantation des firmes, mais aussi l’existence d’un cadre juridique stable offrant aux entreprises les conditions d’une concurrence loyale. La diplomatie joue un rôle important dans cette perspective puisqu’elle contribue à l’élaboration de règles au niveau international.
L’Etat contribue aux performances à l’exportation des entreprises situées sur son territoire. Dans de nombreux cas en effet les grands contrats d’infrastructure, d’aéronautique, d’armement etc. sont liés à des considérations politiques où la diplomatie peut jouer un rôle décisif. Plus généralement, on considère aujourd’hui que les visites à l’étranger des chefs d’Etats et de gouvernement sont l’occasion de multiples contrats commerciaux grâce à la présence de chefs d’entreprises dans les délégations.
Il intervient dans le domaine de la recherche, du développement technologique, de la formation, de la cohésion sociale, de l’intelligence économique. L’Etat éclaire donc l’avenir pour des entreprises qui sont souvent condamnées à s’en tenir au court terme dans leurs décisions de gestion.
Par ailleurs Plusieurs critères permettent de relativiser l'impact de la mondialisation sur les entreprises. Au niveau des échanges commerciaux internationaux, on s'aperçoit que le développement d'entreprises réellement « globales » reste marginal. L'exportation à partir d'une production nationale reste un modèle dominant. Le volume des échanges ainsi réalisé dépasse de loin les échanges issus d'une production à partir de filiales établies à l'étranger.
Les grandes entreprises américaines, qui se sont pourtant les plus engagées dans le processus d'internationalisation, n'ont que très partiellement délocalisé leur production. Même chose au Japon, où une entreprise comme Sony représente plutôt l'exception que la règle. En effet, 80 % des emplois dans ce pays sont fournis par des PME (petites et moyennes entreprises), encore à peine touchées par la mondialisation.
Les méthodes de gestion sont d'ailleurs si peu affectées par la mondialisation que lorsqu'une entreprise comme Renault, le constructeur automobile français, arrive aux commandes d'une société comme Nissan au Japon ou Samsung Motors en Corée, c'est avec une équipe restreinte d'expatriés, chargés de conduire les opérations en restant aussi proches que possible des pratiques locales. En revanche, cette intrusion d'acteurs étrangers permet parfois de rompre avec un mode de gestion habituel qui s'est révélé défaillant, par l'application de sévères plans de restructuration. Enfin, la globalisation financière ne semble pas avoir entraîné de diversification géographique des sources de financement des grandes entreprises. Aux États-Unis, dans l'automobile par exemple, Ford ou General Motors ne lèvent pas plus du tiers de leurs capitaux à l'étranger.